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Les signaux CF présentés dans ce chapitre ne sont pas des signaux continus. Ils sont quantifiés dans les valeurs de leurs parties réelle et imaginaire, parce que l’impédancemètre utilisé est numérique avec un pas de quantification de 1 mΩ en résistance et en réactance. Cette quantification n’est pas importante ici, car les dynamiques typiques des signaux CF observés sont plus de 10 fois supérieures à cette valeur. D’autre part, ils sont échantillonnés dans l’espace, par l’utilisation d’un système robotisé et la prise de mesure discrète avec un pas d’échantillonnage spatial choisi à 100 μm ou 200 μm.
Dans l’optique d’une acquisition dans des conditions réalistes, la rapidité d’exécution est un facteur essentiel à la viabilité d’un système de CND. Il a déjà été dit dans le chapitre 1 que la technique des CF compte parmi ses avantages la rapidité d’acquisition, car l’établissement des courants induits et des champs électromagnétiques est quasi-immédiate, contrairement par exemple à la technique des ultrasons qui nécessite une propagation à la vitesse du son dans le matériau inspecté, ou à la radiographie qui nécessite un temps de pose pour imprégner le film sensible. Il a de plus été expliqué dans la section 2.1.1 que l’intérêt principal des sondes multiéléments est de diminuer le temps d’acquisition en prenant des mesures sans déplacement mécanique.
Le temps total entre deux mesures de transimpédance, comprenant le temps de déplacement (pour un pas de 100 μm), le temps de mesure et le temps de stockage des données, a été évalué à 0,37 s dans le cas des acquisitions présentées précédemment. Cela signifie que l’inspection d’une surface de 2 mm de côté soit 212 = 441 points, comme dans le cas des signaux CF présentés aux figures 3.3 ou 3.10, nécessite près de 3 minutes ; une évaluation d’une zone de 2 cm de côté nécessite un temps 100 fois plus grand. Cette durée n’est pas compatible avec des impératifs industriels. Pour être davantage réaliste, deux méthodes existent :
Les deux démarches peuvent être menées conjointement. Par exemple, une matrice multiéléments à deux dimensions de bobines micromoulées est capable, sans déplacement mécanique, de prendre au mieux une mesure tous les millimètres8 suivant les deux directions. Ceci est possible sans déplacement, par conséquent dans un temps très faible, par l’intermédiaire d’un multiplexage temporel entre les différents groupes de microbobines. Pour obtenir un pas d’échantillonnage spatial de 100 μm = mm sur une zone aussi large que la sonde, il suffit de prendre un jeu de mesures dans 10 × 10 = 100 positions différentes de la sonde, ce qui demanderait un temps d’exécution nettement plus faible que pour une sonde de trois microbobines en ligne balayant mécaniquement la surface. En augmentant le pas d’échantillonnage spatial à 500 μm, il suffit alors de réaliser seulement 4 jeux de mesures, le temps d’acquisition devient alors très faible.
Les acquisitions effectuées dans le cadre de ces travaux permettent de simuler ce comportement et les résultats qu’il pourrait apporter. Pour ce faire, une décimation des signaux CF mesurés est opérée. Il s’agit simplement de prendre, sur chaque axe du plan d’acquisition, une mesure toutes les nd = pas∕100 μm, où pas est le pas d’échantillonnage spatial du signal CF après décimation et 100 μm le pas des acquisitions originales. nd est appelé facteur de décimation.
La valeur du facteur de décimation sera comprise dans la suite de ce document entre 1 et 10. nd = 1 correspond à aucune décimation et un signal CF décimé identique au signal CF originalement acquis, tandis que nd = 10 correspond à un pas d’échantillonnage spatial pour le signal CF décimé égal à 1 mm, c’est-à-dire aucun déplacement mécanique de la matrice de microbobines de deux dimensions qui aurait pu réaliser l’acquisition.
Les signaux CF sont des signaux complexes bidimensionnels. Comme pour des signaux temporels, il est possible d’analyser les variations de ces signaux à l’aide du calcul du contenu fréquentiel. Ce genre d’analyse est usuellement mené à l’aide d’outils comme la transformée de Fourier discrète (TFD) S(fi,fj), qui pour le signal s(ni,nj) s’écrit9
où Ni et Nj sont les nombres de points de mesure suivant les axes et , Te la période d’échantillonnage spatial soit le pas de mesure, en mm, fi et fj les fréquences spatiales en mm-1. La TFD a la propriété d’être périodique de période 1∕Te. La figure 3.13 représente les modules des TFD des deux signaux CF des figures 3.2 et 3.3 pour les couples vérifiant
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L’énergie du signal est fréquentiellement contenue à 98% dans un cercle centré de rayon 0,7 mm-1 pour la sonde à microbobines CI et 1,7 mm-1 pour celle à bobines micromoulées. L’échantillonnage est équivalent fréquentiellement à un filtrage passe-bas, de fréquence spatiale l’inverse du pas d’échantillonnage. Si cette fréquence est trop faible, un effet de recouvrement de spectre ou aliasing apparaît sur les plus hautes fréquences du spectre du signal. Un échantillonnage correct d’un signal doit permettre de reconstruire le signal original par interpolation. Le théorème de Nyquist-Shannon annonce que pour effectuer un tel échantillonnage, il faut une fréquence d’échantillonnage Fe au moins supérieure au double de la fréquence maximale du signal, soit
ou encore
Ici, cela signifie un pas d’échantillonnage spatial maximal de 0,7 mm pour la sonde à microbobines CI et 0,3 mm pour celle à bobines micromoulées. Ces valeurs correspondent, pour chaque technologie de microbobines, à peu près au tiers de la largeur des lobes observés sur les images CF et au triple du pas d’échantillonnage choisi pour réaliser les acquisitions, soit un facteur de décimation nd = 3. Les résultats des algorithmes de détection et caractérisation risquent d’être fortement affectés par un facteur de décimation plus grand.
La simulation du comportement réaliste de la sonde, avec un pas d’échantillonnage spatial supérieur à celui des acquisitions réalisées, requiert une décimation des signaux CF mesurés. Cette décimation, qui consiste à ne considérer qu’un point de mesure sur nd, signifie avoir nd2 possibilités de positionnement des points de mesure choisis par rapport au bord de l’image CF originale. La figure 3.14 montre l’exemple d’une image à partir de laquelle est réalisée une décimation d’un facteur nd = 5, selon le choix du premier point de mesure aux coordonnées . Chaque cadre représente une des 25 images possibles. Chaque image possède des points (entourés) différents de ceux des autres images, choisis parmi les points de l’image originale (non entourés).
La dynamique d’un signal CF est la différence entre les valeurs maximale et minimale de l’amplitude principale. Elle dépend de nd ainsi que du choix du premier point de mesure . Elle est par conséquent notée Dnd, avec nécessairement 2. Pour le cas particulier nd = 1 (pas de décimation), est posée pour simplifier la notation D1 = D1(1,1).
La figure 3.15 trace, en fonction du facteur de décimation, la dynamique des signaux CF après décimation, relativement à la dynamique du signal original. Le signal original est obtenu pour le défaut « exemple » avec la sonde à bobines micromoulées. La courbe supérieure est la moyenne sur l’ensemble des images décimées, obtenue par la formule
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où Dnd est la dynamique du signal CF décimé d’un facteur nd et auquel appartient le point de mesure aux coordonnées originales . Il est aussi intéressant de connaître le minimum des dynamiques des signaux CF décimés
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qui donne l’importance de la plus grande dégradation engendrée par la décimation.
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Le processus de décimation dégrade les signaux CF en termes de dynamique quasi-linéairement avec le facteur de décimation nd. Si nd ≤ 3, les différents positionnements donnent des signaux CF assez équivalents : la dynamique relative moyenne est supérieure à 90%, la dynamique relative minimale à 85%. À partir de nd = 5, certains couples produisent une chute de dynamique supérieure à 50%. Enfin, au-dessus de nd = 9, plus de 50% de la dynamique est perdue en moyenne.
Les deux courbes présentées à la figure 3.15 sont en fait quasiment indépendantes des dimensions du défaut évalué et des conditions de mesure. En effet, aucun de ces paramètres ne modifie substantiellement la forme de ces courbes ni les valeurs données au paragraphe précédent.
8Il s’agit de la largeur des bobines micromoulées.
9En pratique, il est d’usage de réaliser une opération appelée « bourrage de zéros », consistant à agrandir la taille de s jusqu’à une valeur (N + P)2 en remplissant les nouveaux pixels de zéros. Le premier intérêt est d’améliorer la résolution spatiale, car la taille de S est égale à celle de s pour des valeurs de fréquences spatiales inchangées. Le deuxième intérêt, plus particulièrement si N + P est une puissance de 2, est de pouvoir tirer parti au maximum des algorithmes de calcul de transformées de Fourier rapide, qui fonctionnent par décomposition de l’expression de la TFD.
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