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Le travail présenté dans ce document a été réalisé au sein de deux laboratoires du sud de l’Île de France, le Laboratoire de Génie Électrique de Paris (LGEP) et le laboratoire Systèmes et Applications des Technologies de l’Information et de l’Énergie (SATIE), respectivement dans les équipes Contrôle, Commande, Diagnostic (CoCoDi) et Traitements d’Information et Multicapteurs (TIM). Ce travail s’inscrit dans le cadre du pôle SPEE Labs (Sud de Paris Énergie Électrique), né en février 2005 du rapprochement du LGEP, du SATIE, du Laboratoire des Technologies Nouvelles (LTN, INRETS) et du Département « Électrotechnique et Systèmes d’Énergie » de Supélec.
L’étude porte sur la conception et l’utilisation de nouvelles structures de sondes à courants de Foucault (CF) pour le contrôle non destructif (CND). Une méthodologie a été établie afin de mettre au point des structures multiéléments et de comparer leurs performances dans le cadre de la recherche de fissures submillimétriques débouchantes. Des algorithmes originaux de détection et d’inversion ont été conçus et mis en œuvre afin d’utiliser la structure la plus efficace, de quantifier la qualité de détection des fissures et d’estimer les caractéristiques géométriques de ces défauts.
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Les processus industriels et les pièces fabriquées sont devenus de plus en plus complexes tout au long du siècle dernier. Le CND, dernière étape du processus industriel, vise à contrôler sans endommager la qualité des pièces, en particulier mécanique. Le CND est devenu une nécessité industrielle, la défaillance de ces pièces pouvant entraîner des conséquences plus ou moins importantes. Par exemple, dans les domaines aéronautique et nucléaire, ces conséquences s’expriment souvent en termes de sécurité des personnes ou de dégâts environnementaux. L’enjeu du CND est aussi d’ordre économique : la rapidité et la fiabilité des techniques employées sont capitales pour la réduction des coûts de maintenance et l’optimisation de la durée de vie des installations.
La recherche de défauts peut être opérée soit lors de la fabrication des pièces, soit lors de leur maintenance en cours de vie. Dans le premier cas, il s’agit souvent de détecter les problèmes et de trier les pièces défectueuses en vue d’une éventuelle élimination ou d’un ajustement. Dans le second cas, il est préférable de préciser la nature et les dimensions des défauts, dans le but de déterminer si la pièce peut être remise en service ou non. Dans les deux cas, l’inspection des défauts doit être fiable, reproductible, relativement rapide et avec un coût aussi faible que possible.
La technique des courants de Foucault (CF) est largement utilisée dans le domaine du CND, dès lors qu’il s’agit de matériaux électriquement conducteurs. Elle représente par exemple la moitié des contrôles dans le domaine de l’aéronautique. Cette méthode est en effet sensible à des défauts dans l’état géométrique ou électromagnétique d’une pièce, comme des inclusions, des fissures ou les effets de la corrosion. De plus, elle est aisée à mettre en œuvre, robuste dans le cadre des applications industrielles et relativement peu coûteuse. Cependant, le besoin grandissant de fiabilité et de rapidité pour les opérations d’inspection requiert le développement de nouveaux systèmes de contrôle.
Dans ce contexte, des systèmes d’imagerie par courants de Foucault ont été récemment développés afin de produire des images CF obtenues par des procédures de balayage mécanique réduites et présentant malgré cela de bonnes performances en termes de caractérisation des défauts. Leur principe est basé sur l’utilisation simultanée d’un large émetteur CF pour exciter la structure à contrôler et d’un système d’acquisition pour mesurer le champ magnétique de réaction à la surface de la structure. Le système d’acquisition est conçu spécifiquement pour fournir une haute sensibilité et/ou résolution spatiale, afin que les défauts puissent être efficacement caractérisés.
Par exemple, un système imageur magnéto-optique CF a été décrit dans [JP06]. Cet appareil utilise un grenat magnéto-optique linéaire au sein d’un montage optique dédié à la mesure de la distribution spatiale 2-D de la densité de flux magnétique. Les images CF obtenues offrent une haute résolution spatiale (100 × 100 μm2) sur une large surface d’inspection (disque de diamètre 60 mm) pour une position donnée de l’imageur.
D’autres imageurs CF matriciels utilisant des multicapteurs à haute sensibilité comme les magnéto-résistances géantes ont aussi été développés. Ces appareils permettent d’obtenir des images CF avec une haute sensibilité[PLHDB04] ou une haute résolution[VGPD+06], tout en réduisant les procédures de balayage mécanique, particulièrement coûteuses en temps. En effet, l’utilisation de matrices de capteurs permet de réaliser plusieurs mesures adjacentes de façon quasi-simultanée, et donc d’augmenter la rapidité de mesure. La fiabilité et la reproductibilité peuvent aussi être aussi augmentées par des acquisitions redondantes ou multivues.
Ces techniques utilisent cependant un inducteur de grandes dimensions pour l’excitation d’une large zone, ce qui présente un certain nombre d’inconvénients (uniformité des courants induits, consommation électrique, taille, effets de bord...). Au contraire de ces sondes à capteurs magnétiques, l’utilisation de microbobines en tant qu’éléments de sonde permet à chaque élément de jouer le double rôle d’émetteur et/ou de récepteur. Il devient alors possible de supprimer l’inducteur et d’élaborer différentes stratégies opératoires d’émission-réception afin d’enrichir les données CF.
Cette étude se place dans le cadre de la recherche des fissures submillimétriques débouchantes. Ces fissures sont extrêmement dangereuses car elles constituent souvent le point de départ de défauts plus grands comme les fissures de fatigue, qui peuvent s’avérer fatals à la pièce. La technique de ressuage, souvent utilisée, est appelée à disparaître du fait de nouvelles normes en termes de pollution. Parmi les solutions de remplacement envisageables, la technique des CF, souvent utilisée pour des fissures de taille moyenne ou grande et enfouies au sein des matériaux, est aussi très bien adaptée à ces défauts, en particulier lorsque les éléments sensibles des sondes sont de faibles dimensions.
L’acquisition des signaux CF n’est qu’une première étape dans le processus du CND. Il faut ensuite traiter les signaux acquis de façon à en extraire les informations utiles et les transformer en données qualifiant les éventuels défauts recherchés. Deux types de traitements ont une importance majeure et ont fait l’objet d’une étude approfondie : la détection des défauts et leur caractérisation.
La détection a pour but d’estimer si un signal CF correspond ou non à un défaut recherché. Cette étape est au plus simple réalisée par seuillage : l’amplitude du signal inférieure à une valeur donnée signifie que le matériau est intact ; dans le cas contraire, une inhomogénéité est considérée détectée. La détection peut être affinée en prenant en compte des paramètres supplémentaires, comme le bruit de mesure ou la ressemblance avec des signaux canoniques.
L’inversion des signaux, ou caractérisation des défauts, permet d’estimer les caractéristiques des défauts à partir des signaux CF acquis : il s’agit de résoudre le « problème inverse ». Cette procédure peut être réalisée à l’aide d’un grand nombre d’algorithmes différents, provenant du domaine des traitements d’images (reconnaissance de forme, inversion d’image), ou du domaine des traitements de données (réseaux de neurones, maximum de vraisemblance).
Le travail de cette thèse s’inscrit dans ce cadre général du CND appliqué aux processus industriels. Les sondes CF conçues ont été utilisées sur une cible représentative possédant des défauts de type fissures parallélépipédiques débouchantes. Ces sondes sont à considérer comme des éléments d’une structure de taille plus importante à deux dimensions, qui présentera de grands avantages en termes de rapidité d’acquisition et de facilité d’exploitation.
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Le travail de cette thèse consiste en la mise en œuvre de sondes multiéléments à microbobines pour le CND par CF. Le plan général de ce document, sous la forme du fonctionnement du système d’inspection de défauts réalisé, est présenté à la figure 1.
Le chapitre 1 décrit le contexte actuel de ces recherches, et plus particulièrement les différentes méthodes de CND, leurs intérêts et leurs défauts. S’attardant davantage sur le CND par CF, il détaille le principe de cette technique et les principales technologies existantes.
Le chapitre 2 présente le matériel utilisé et les conditions de l’expérimentation. Les éléments des sondes sont des microbobines. Deux technologies ont été choisies, représentatives des possibilités issues de l’industrie et d’un laboratoire de recherche. Ces microbobines sont caractérisées géométriquement et électriquement. Les stratégies opératoires d’émission-réception conçues sont explicitées.
Le chapitre 3 montre des exemples de signaux CF acquis autour de défauts calibrés. L’influence du pas d’échantillonnage spatial des acquisitions sur la qualité des signaux est quantifiée. Ce pas correspond à la discrétisation inhérente aux sondes matricielles. Des rapports signal sur bruit sont calculés et utilisés pour comparer les stratégies d’émission-réception et les technologies de microbobines.
Le chapitre 4 explique le fonctionnement de l’algorithme de détection qui a été spécialement conçu. Une méthode de quantification statistique de la capacité de détection des sondes est ensuite mise en œuvre sur l’ensemble des acquisitions. L’influence des conditions expérimentales sur les performances de détection est examinée, les stratégies d’émission-réception et les technologies de microbobines à nouveau comparées. Des performances maximales sont dégagées.
Le chapitre 5 réalise l’estimation des caractéristiques géométriques des défauts inspectés, à partir des signaux CF correspondants et ayant donné lieu à une détection. Un algorithme d’inversion est établi et mis en place. Une paramétrisation des signaux CF, c’est-à-dire l’extraction de paramètres au sein des signaux CF acquis, est opérée. Ces paramètres sont insérés dans un modèle réglable permettant d’en déduire les caractéristiques à estimer. Les erreurs des estimations sont enfin quantifiées. Une attention particulière est portée sur le cas d’un pas d’échantillonnage spatial assez grand, permettant potentiellement de supprimer tout déplacement mécanique de la sonde.
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